Un ennemi invisible circule sur Facebook parmi les groupes de soutien au président: les trolls. Si certains accusent la Russie, notre enquête révèle l’implication d’un neurchi dédié aux partisans zélés de La République En Marche.
« On va mettre les choses au point… » Pascale est remontée et le fait savoir à ses convives. Ses convives oui, car sur le groupe « ESPOIR en Emmanuel et Brigitte MACRON », nous sommes chez elle, écrit-elle samedi 25 avril 2020. Quiconque déroge aux règles risque l’expulsion. « Du balai ! », synonyme de « ban » dans son vocabulaire archaïque. Telle une chasseuse comptant ses prises, Pascale se félicite : « On a bien travaillé : retiré 35 à présent ». Comprenez, 35 exclusions.
L’élément déclencheur s’appelle Benoît, une poucave dont nombre de neurchis connaissent déjà le nom. Capture d’écran à l’appui, le fourbe a révélé le pot aux roses aux adorateurs d’Emmanuel Macron. « Bonjour, vous êtes envahis par des gens qui sont ici pour se moquer des publications et qui les republient sur un groupe LREM afin de se moquer ». Le texte fait mouche. Les boomers, choqués, s’enflamment. Et Benoît remet de l’huile sur le feu en commentaire.
Après avoir explicitement cité le groupe « Neurchi de LREM », immédiatement passé en masqué pour éviter le zucc. Pascale, furibonde, aurait eu le temps de recueillir l’identité des administrateurs du neurchi. En bonne citoyenne française, elle déclare avoir accompli son devoir de délation : « J’ai envoyé au QG d’en marche ». Séduit par cette démarche flexi-collabo, l’ami Benoît propose ses services : « contactez moi en MP, je vous dirais qui sont les trolls sur votre groupe ».
La fausse piste des trolls russes
Pour débusquer le troll, encore faut-il l’identifier. Interrogée sur ses techniques par un internaute, Pascale s’explique. Les « trolls » sont trahis par leurs commentaires « mielleux » de « pauvres petites personnes qui se croient tellement plus intelligentes » mais qui « ne connaissent tellement rien à la vie ».
Au détour d’un commentaire, un certain Rémy dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas : « Ces gens sont sans doute des trolls russes ». Il suspecte une « déstabilisation, comme aux dernières élections ». Pascale connaît bien la Russie : « C’est beau », affirme-t-elle. Un autre utilisateur complète la carte postale soviétique : « Notre président avait bien mentionné qu’il était au courant des cyberattaques du côté russe ». La patronne du groupe poursuit les expulsions et tient informés ses ouailles de l’évolution de la lutte.
Ce tribunal macroniste d’apparence arbitraire repose en fait sur une méthode scientifique bien rodée : « Ils ont à peine 18-24 ans. On leur appuie sur le nez, il y a du lait qui sort. » Émeline, une autre habitante de cette maison où « on aime bien les merveilleux discours de notre président et les magnifiques tenues de son épouse », suggère de « virer surtout les trolls insoumis infiltrés, ils sont nombreux et avancent masqués (NDLR: c’est bien les seuls en ce moment) en mettant la zizanie dans les groupes LREM ». Le profil de ces parasites numériques se précise, mais ils affluent toujours.
Alors, lundi, la cheffe du groupe ferme les frontières. Plus aucun nouveau membre n’est accepté. « ESPOIR en Emmanuel et Brigitte MACRON » fonctionne désormais à huis-clos. Les expulsions se poursuivent. La délation accélère les procédures. Les neurchis craignent d’être fichés S. Il est question de purger le groupe. Après tout, « nous sommes en guerre ».